Introduction

Comme souvent tout a commencé bien petit. Il n’y a pas si longtemps, Pierre Barbot, de l’ETPA de Toulouse, attira mon attention sur une ancienne technique photographique. Il s’agissait de réaliser des photographies sur un papier noir et blanc qu’on utilise d’ordinaire pour tirer des épreuves. D’emblée je fus fasciné par cette technique, mais il me fallut toutefois l’abandonner après les premiers essais, comme je ne disposais plus du matériel adéquat.

Quand je fis ensuite l’acquisition d’un appareil professionnel SINAR 5x7, je poursuivis néanmoins mes essais. J’installai mon matériel dans l’entrepôt du studio PIN UP et photographiai quelques unes des personnes qui se trouvaient « par hasard » auprès de moi sans avoir l’intention, tout du moins à cette époque, d’en tirer quoi que ce soit. Puis quand j’eus développé les premières photos, je tombai de nouveau sous le charme. La profusion des détails, les flous très caractéristiques du 5x7, la texture de la peau, aussi, telle qu’elle apparaissait sur ce papier peu sensible au rouge, tout était là. Mais ce que je retrouvai surtout dans ces images, c’était la très grande présence des personnes photographiées.

Tout cela m’incita à poursuivre ; il me vint l’idée que je pourrais réaliser une série de portraits de gens travaillant dans la photographie. Ce qui m’importait alors, c’était de ne pas montrer uniquement des visages connus. Je voulais aussi avoir de ces personnes qui se tiennent à l’arrière-plan et sans qui la photographie ne pourrait exister. Mon but n’était pas non plus de réaliser une sorte d’arche de Noé où toutes les espèces du monde de la photographie seraient nécessairement représentées. Ma priorité est toujours allée aux images, et à la présence des personnes dans ces images.

Il m’est arrivé souvent de choisir des gens parce que j’étais certain qu’ils étaient particulièrement faits pour ce type de photographie. Parfois aussi parce qu’ils m’étaient tout bonnement sympathiques, ou qu’ils s’accordaient très bien avec ce projet. Bien souvent aussi c’est le hasard qui fut à l’origine de telle ou telle photographie – ainsi de la séance avec David Bailey, qui se déroula très spontanément et dont je garderai toujours le souvenir.

Bien sûr je me suis demandé si toute cette dépense d’énergie, à l’heure du numérique, se justifiait encore. Le temps nécessaire au développement des photographies après chaque séance était considérable, d’autant qu’il fallait que je remonte à chaque fois mon petit laboratoire – il tenait dans un sac en plastique – dans les loges du studio PIN UP. On m’a dit aussi que tout cela serait réalisable sans le moindre problème avec un appareil numérique, que le travail s’en trouverait bien moins fastidieux et le choix de photographies plus conséquent. Mais la photographie est pour moi une grande passion et il me tenait à coeur de voir comment je parvenais au résultat souhaité. En outre je reste persuadé, sans même parler du grain, du format ou d’autres détails techniques encore, que le résultat diffère selon que l’on utilise un appareil de petit format ou un appareil numérique, ou que les gens se voient confrontés à un appareil 5x7. Ce que je recherchais par dessus tout, c’est à rendre la présence des gens, une certaine paix dans les images, une belle matière, un beau rendu, et je suis persuadé que le chemin que j’ai emprunté était le bon. Depuis la première photographie de Simon dans l’entrepôt du studio PIN UP, en mars 2006, quand tout a commencé, jusqu’à aujourd’hui, avec la parution du livre et l’exposition, environ deux ans et demi se sont écoulés. Plus de cent vingt personnes auront été confrontées à 6400 watts et à mon objectif 210 mm. Les séances auront rarement duré plus de 15 minutes et n’auront pas nécessité plus de quatre châssis. Une image représente tout juste 125/s.

Néanmoins le projet tout entier aura requis beaucoup plus de temps que je ne l’avais imaginé. Des choses dont je ne soupçonnais pas l’existence ont dû être réalisées. Surmonter des problèmes techniques inattendus et surtout organiser les séances aura requis également beaucoup de temps et d’énergie, bien plus que réaliser les photographies elles-mêmes. Aussi j‘ai dû subir quelques refus difficiles à cerner venant des gens de la photo. C’est pourquoi je tiens à remercier une fois encore de tout coeur les gens qui ont accepté de poser dans le cadre de ce projet.

Je tire quoi qu’il en soit un bilan positif de celui-ci et je suis très satisfait du résultat. Professionnellement cela m’a certainement fait progresser, et j’ai beaucoup appris. J’ai eu de nombreuses discussions passionnantes et fait la connaissance de gens intéressants. Aussi je suis motivé pour aborder désormais de nouveaux projets…

Stefan Rappo

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